Parce que l’agilité à l’échelle est l’un des enjeux cruciaux des grandes organisations, nous avons interrogé quatre experts afin de constituer un ebook, permettant de comprendre les apports de l’agilité à l’échelle et SAFe. L’article suivant est un extrait de cet ebook et nous permet de déterminer les principaux défis et facteurs clés de réussite de l’agilité à l’échelle.


Les principaux défis posés par la mise à l’échelle…

Défis de l'agilité à l'échelle

… et les facteurs clés pour qu’elle fonctionne

Facteurs clés pour réussir la mise à l'échelle
jean-claude delagrange coach agile
Jean-Claude DELAGRANGE, coach agile

Une stratégie produit portée par un management de confiance

En premier lieu, il faut une stratégie produit, portée par un management en confiance ; tirés de ma propre expérience :

  • La désignation d’un préfigurateur-trice (futur directeur-trice) à même de jouer le jeu de l’agilité, souvent contre des valeurs et des réflexes à rebours : ne pas rater sa sensibilisation, sa formation et surtout concentrer les premières interventions d’un(e) coach agile sur cette personne, qui jouera le rôle de Business Owner
  • La désignation par le-la dirigeant-e d’une personne de confiance, acquise à l’agilité, faisant fonction de Product Manager, le binôme devant fonctionner le plus efficacement possible.

En second lieu, l’attribution de rôles correctement dimensionnés, aux périmètres clairs, est un impératif ; le plus important, le Product Manager capable de guider la stratégie de développement du produit, est un interlocuteur unique, disponible, légitime (aussi bien vis à vis des équipes que de sa direction), capable de prendre le risque d’innover, et de comprendre l’enjeu d’une priorisation initiale, qui pourra évoluer avec le temps et les livraisons.

Une autre responsabilité importante est de gérer les transversalités. Travaillant la main dans la main avec le Product Manager, un(e) « super scrum master » ou autre appellation, sera chargé de gérer les redevabilités croisées (à construire progressivement) et de synchroniser les équipes.

En troisième lieu, construire des équipes bien identifiées, orientées vers la cible produit, ayant une culture agile déjà bien installée. Si certaines équipes ne sont pas encore acculturées, ce sera le rôle du coach agile d’y veiller, et elles pourront être formées par les équipes les plus expérimentées. Le chemin vers une culture agile peut être long, les survivances de fonctionnement antérieur (mini-cycles en V, clivage MOA- MOE…) tenaces, et il faut beaucoup de pragmatisme au coach agile pour avancer.

Une visualisation de l’organisation actuelle et future capable de s’aligner sur cette cible (l’atteinte de l’organisation en feature team étant un objectif lointain) :

  • Les équipes de maintenance d’applications existantes (ex : back-office) qui doivent s’organiser pour fournir des services et des données…
  • …aux équipes chargées des nouvelles applications (ex : application smartphone)
  • Les équipes qui doivent transformer leurs applications déjà installées, pour s’intégrer « sans-couture » dans la nouvelle plateforme.

SAFe propose un framework très complet, son apport consiste surtout à nommer, formaliser, schématiser et intégrer des idées de diverses origines (Lean, manifeste agile, Scrum, Kanban…)

Laurence Hanot coach agile
Laurence HANOT, coach agile chez Zenika

Une méthode pour atteindre des objectifs très divers selon les entreprises

En tant que coachs, nous n’arrivons malheureusement pas toujours au bon moment dans ce type de transformation, c’est même plutôt souvent sur un mode “pompier” : “on a essayé des choses, on s’est lancé tout seul dans une transformation agile (à l’échelle ou pas) et “on rencontre des difficultés, venez nous aider”. Selon l’état des lieux (première phase indispensable d’une mission de coaching), on va proposer différentes pistes mais qui peuvent être très longues à mettre en oeuvre selon l’ampleur des dégâts ou des manques constatés. Je dirais donc que se faire former et accompagner dès le départ est indispensable.

Définir et exposer les raisons de cette transformation est la deuxième étape nécessaire, à faire avec les dirigeants et commanditaires. Pourquoi changer ? Dans quel objectif ? L’agilité n’est pas une fin en soi, elle aide à atteindre des objectifs qui peuvent être très différents d’une entreprise à une autre, d’un département à un autre, d’une équipe à une autre.

Quelques exemples d’objectifs de transformation exprimés dans certaines de mes missions : améliorer la satisfaction de nos clients, augmenter le niveau d’autonomie et de mobilisation des collaborateurs, développer la polyvalence des collaborateurs, améliorer la qualité de nos produits, réduire le temps de mise sur le marché, ré-engager et ré-enchanter les équipes …

On voit bien que selon le ou les objectifs à atteindre (et à mesurer tout au long de la transformation), on ne va pas s’appuyer sur les mêmes leviers et les mêmes pratiques. Une fois les objectifs établis et partagés, on va donc pouvoir construire avec les équipes le chemin, c’est à dire les axes à travailler, pour y arriver. Et on applique ensuite une démarche agile à notre transformation agile : des petits pas et des boucles de feedback régulières pour adapter ou continuer sur notre chemin.

Pour engager un maximum de personnes et qu’elles deviennent elles- mêmes actrices, il est donc nécessaire de donner de la visibilité à cette transformation, de communiquer largement et souvent, d’obtenir le support et le sponsoring nécessaires du management. Dans des contextes à l’échelle, comme le contexte SAFe où j’interviens principalement actuellement, cela passe par la création et l’animation d’une équipe de transformation composée de différents acteurs : coachs, managers, opérationnels, sponsors … La mixité des personnes de cette équipe est un atout et permet d’accompagner et transformer “de l’intérieur” et par l’exemple, les équipes, le top management, le portfolio, les solutions, les Agile Release Trains, les rôles transverses, etc., de manière coordonnée et cohérente. Le but est, petit à petit, d’avoir des relais de transformation qui oeuvrent au quotidien dans leur rôle pour faire évoluer les choses. Cela ancrera d’autant mieux les pratiques, les principes, l’état d’esprit et donc permettra de faire évoluer la culture également.

Une fois les coachs et formateurs embauchés, les objectifs et potentiels chemins pour y arriver établis, l’équipe de transformation créée et supportée au plus haut niveau … y’a plus qu’à !

Evidemment, les choses ne sont pas si séquentielles, ni idéales, et dans un contexte d’agilité à l’échelle qui implique forcément un grand nombre de personnes, il faut sans cesse jongler entre les différents niveaux de maturité des équipes et des personnes, lever les peurs et les doutes, avancer avec les “early adopters”, communiquer beaucoup, animer l’équipe de transformation elle-même …

La prise en main des rôles des Scrum masters, Release Train Engineers, Product Owners est le relais de la transformation agile.

Pour finir, je dirais que dans le très bon retour d’expérience fait par Jean- Claude et dans mes propres expériences, je retiens un point essentiel : la prise en main des rôles, et plus particulièrement des Scrum Masters, Release et Solution Train Engineers dans SAFe ou équivalent dans d’autres approches à l’échelle. Ce sont eux les relais de transformation sans qui elle ne peut ni évoluer, ni être viable à moyen et long terme, ni s’ancrer dans l’entreprise.

Laurent Charles
Laurent CHARLES, CEO et co-fondateur d’Enalean (Tuleap)

La gestion d’une transformation profonde de l’entreprise

L’agilité à l’échelle peut entraîner une transformation profonde de l’entreprise, voire doit entraîner une transformation profonde. La gestion du changement est importante. Le risque d’échec existe.

Que pensez-vous de ces conversations ?

– Nous sommes en plein ré-organisation agile.
– Super, comme cela se passe t-il ?
– Je ne sais pas encore, la nouvelle organisation n’a pas été communiquée.

Ou encore :

– Nous avons terminé notre transformation agile.
– Quels sont les résultats que vous avez obtenus ?
– Heu… en fait, maintenant nous sommes agiles, mais nous avons beaucoup perdu en agilité.

Ceci aussi :

– Nous avons décidé de mettre en place l’agilité.
– Bonne nouvelle, comment vous y prenez-vous ?
– Nous mettons en place l’outil X.

Sans rentrer dans le détail, voici quelques points qui nous ont semblé clés dans la réussite du déploiement de l’agilité à l’échelle :

  • L’agilité, c’est en premier lieu une culture, avant d’être un processus ou des pratiques.
  • Pour faire grand apprenons à faire petit. Les grandes organisations doivent réapprendre à ne pas rentrer dans des tunnels, à faire des incréments, à identifier les petites choses importantes à faire en premier par exemple.
  • Se faire accompagner par un ou des coachs est indispensable. Idéalement ces coachs sont externes à votre organisation et auront le recul nécessaire.

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